Justification de la sélection des patients en imagerie

Le consensus européen sur la thrombectomie mécanique dans l'accident vasculaire cérébral ischémique aigu montre l’importance de la sélection des patients guidée par l’examen clinique et l’imagerie afin de mobiliser de façon appropriée et immédiate l’ensemble des moyens sanitaires nécessaires à la réalisation de ce geste. Cette adéquation est justifiée par l’importance, la rareté et le coût des moyens engagés. Utilisés à tort, ces moyens humains et matériels deviennent temporairement indisponibles ceux qui en ont besoin tout en désorganisant le fonctionnement de la filière et en impactant lourdement une économie sanitaire contrainte.

Ainsi, en présence d’un diagnostic clinique d’accident ischémique constitué, l’imagerie doit répondre aux objectifs suivants :

  1. Eliminer une contre-indication absolue à la thrombectomie : l’hémorragie intra-crânienne (TDM ou IRM)
  2. Eliminer une contre-indication relative à la thrombectomie : un infarctus trop étendu avec un score ASPECTS < 6 (TDM) ou un volume > 70ml (IRM de diffusion)
  3. Montrer l’occlusion artérielle intracrânienne proximale par angioTDM ou angioIRM
  4. Identifier un élément pronostique supplémentaire justifiant la thrombectomie tel que la dissociation (mismatch) entre une nécrose ischémique limitée (IRM de diffusion, absence d’hypersignal FLAIR en IRM, hypovolémie en imagerie de perfusion (TDM ou IRM) et une hypoperfusion étendue (déficit clinique, hypersignaux vasculaires en FLAIR, hypoperfusion ou retard perfusionnel en imagerie de perfusion (TDM ou IRM)). Le mismatch est une approche qui permet d’estimer la pénombre ischémique qui menace le cerveau de nécrose s’il n’est pas reperfusé en urgence. Un volume de mismatch > 10-15ml ou > 2 fois le volume de la nécrose a été appliqué pour sélectionner les candidats à la thrombectomie dans certaines études.

La sélection des patients par le neurologue sur les éléments cliniques et le neuroradiologue sur les données de l’imagerie permet de mobiliser immédiatement les acteurs de la thrombectomie, voire le SAMU pour transférer le patient en urgence quand la prise en charge initiale est faite sur un site distant du centre de neuroradiologie interventionnelle.

Sélection selon les sites de prise en charge initiale

La sélection peut être conduite selon les 3 circonstances d’admission du patient :

  • Situation n°1. Situation Admission dans un site disposant d’un centre NRI et d’une UNV : le neurologue et le neuroradiologue participent à la sélection en réalisant les examens clinique et d’imagerie appropriés. La TIV est administrée avant le transfert au bloc de neuroradiologie interventionnelle pour la TM.
  • Situation n°2. Admission dans un site disposant d'une UNV sans centre de NRI : le neurologue et le radiologue du site distant participent à la sélection en réalisant les examens clinique et d’imagerie appropriés. La TIV est administrée. Ils informent le neurologue et le neuroradiologue du centre de NRI qui peuvent avoir recours à la télémédecine pour donner leur accord avant un éventuel transfert vers le bloc de neuroradiologie interventionnelle pour la TM.
  • Situation n°3. Admission dans un site sans UNV : l’urgentiste contacte le neurologue et le neuroradiologue du site disposant d’un centre de NRI et d’une UNV. La télémédecine et la téléradiologie permettent la sélection des patients en réalisant les examens clinique et d’imagerie appropriés. La TIV est administrée. Le patient est transferé vers le site disposant d’un bloc de neuroradiologie interventionnelle pour la TM.

Intérêt de la téléradiologie pour la sélection des candidats à la thrombectomie

La loi «Hôpital, Patients, Santé et Territoires », dite loi « HPST », du 27 juillet 2009 a considéré la télémédecine comme un levier d’amélioration de la performance du système de santé suffisamment important pour faire du programme régional de télémédecine un des éléments constitutifs du Programme Régional de Santé. La téléradiologie en lien avec l’organisation de la Permanence des Soins et la Prise en charge de l’AVC sont 2 des 5 objectifs prioritaires du programme national de télémédecine. L’exercice de la téléradiologie est défini par la Charte de Téléradiologie, élaborée par le Conseil Professionnel de Radiologie, qui détaille les les engagements et les principes éthiques des personnes physiques ou morales impliquées dans le réseau de téléradiologie.

La téléradiologie est ainsi un outil encadré et incontournable de la prise en charge et de la sélection des patients admis dans un site ne disposant pas d’un centre de neuroradiologie interventionnelle et d’une UNV (Situations n°2 et 3).

  • Situation n°2 (site distant avec UNV) : la téléradiologie peut être utilisée pour obtenir un service de télé-expertise par le neuroradiologue du centre de NRI. La télé-expertise fournit une 2ème interprétation spécialisée qui complète l’interprétation initiale du radiologue du site distant.
  • Situation n°3 (site distant sans UNV) : la téléradiologie s’inscrit dans le cadre de la télémédecine et de la téléthrombolyse. La téléradiologie peut être utilisée pour faire de la télé-expertise voire du télédiagnostic si aucun radiologue n’est présent sur place.

Quelle que soit la finalité de la téléradiologie, la production des données d’imagerie répond à l’exécution de protocoles d’acquisition et de reconstruction précis. En l’absence de radiologue, l’injection de produit de contraste est réalisée sous la responsabilité et en présence du médecin demandeur.

Optimisation de la téléradiologie appliquée à la sélection des patients pour réaliser une thrombectomie

Bien que la téléradiologie soit bien encadrée en France, son utilisation dans le cas particulier de la sélection des patients pour la réalisation d’une thrombectomie impose l’optimisation des processus. Parmi les contraintes propres à cette activité, l’urgence et le niveau élevé d’expertise diagnostique médicale et technique constituent un cahier des charges exigeant. Il faut donc :

  1. Définir précisément le réseau téléradiologique avec un organigramme décrivant les relations entre les sites, les acteurs, les services disponibles, leurs coûts, …
  2. Définir les compétences requises des acteurs de la filière et leur nombre pour assurer la Permanence des Soins
  3. Définir la justification des examens, les conditions de production des examens (délai, modalités, protocoles d'acquisition, injection de produit de contraste, protocole de reconstruction, compte-rendus standardisés,…)
  4. Définir les modalités de recours à la télé-expertise et au télédiagnostic
  5. Définir les caractéristiques techniques des outils de téléradiologie installés (vitesse, qualité,…)
  6. Définir les délais d’exécution des différentes actions
  7. Tracer les différentes actions de façon détaillée et exhaustive.
  8. Contrôler la qualité de l’ensemble des processus conformément à la Charte de Téléradiologie.
  9. Valoriser le surcroît d’activité pour le centre de recours (acte CCAM)
  10. Evaluer la rentabilité économique de la sélection des patients de la filière TM